18 dicembre 2007

En quête de... (1)

La syntaxe n’est qu’une opération de composition qui crée en même temps un système (c.-à-d. un ensemble ordonné d’interdépendances) et ses parties. Ni l’un ni les autres n’existent préalablement. Dans le processus de composition, c’est le rapport mutuel qui leur donne des valeurs, selon la suggestion théorique pionnière de Ferdinand de Saussure.
Pour se faire jour, les études syntaxiques (et la linguistique toute entière) doivent se libérer de toute ontologie. Le monde étudié par le linguiste est un univers vide, peuplé des fantômes qui manifestent le processus créateur de purs rapports systématiques. Le travail d’un chercheur sage, avisé et conscient (comme le fut Edward Sapir) ne consiste que dans la découverte et dans la détermination des rapports (manifestés et, en même temps, cachés par ces fantômes). En fonction d’une telle prise de conscience, le siècle qui nous sépare de Saussure n’a pas vu changer beaucoup la situation.
À quelques exceptions près (parmi lesquelles pourrait peut-être figurer le pseudo-Harris des Notes du cours de syntaxe, c.-à-d. le cilice par lequel Maurice Gross mortifia une émersion de son ego spéculatif et théorique), les syntacticiens se sont contentés et se contentent de renouveler, sous des formes toujours variées (les chemins de l’errance sont justement infinis), les façons de procéder d’une tradition philologique ontologiquement fondée.
La terminologie courante en est la meilleure preuve. Et, même dans les cadres qui se prétendent les plus innovateurs, les catégories par lesquelles on opère le démontrent clairement. En tant que taxinomie indiscutée qui fonde l’état d’entités des objets de toute recherche, des notions comme article, nom, verbe, adjectif etc. (qu’elles soient « dopées » ou non par l’adjonction des qualifications supplémentaires tirées du mécanicisme post-bloomfieldien) définissent les choses auxquelles on aurait affaire en syntaxe. Et de ce fait la syntaxe reste un jeu aveugle et un peu idiot, surtout écrasé sous le poids d’un lexique (mieux, d’une idée naïve et toute faite du lexique) considéré comme le dépôt d’où des unités irréductibles de sens et de forme (qu’elles soient appelées racines, morphèmes, mots ne change pas la substance) sortent presque toutes faites (et comment se font-elles ?). De ces unités, la syntaxe ne serait finalement qu’une simple disposition, un modeste arrangement.
La notion de prédicat, mieux, de prédicativité peut jouer un rôle important dans l’établissement d’un cadre approprié à la naissance d’une véritable syntaxe scientifique, une fois passée au crible de l’arbitraire saussurien (qui concerne la terminologie de la linguistique au même titre que toute autre expression linguistique : ce que l’on oublie presque toujours), une fois nettoyée en conséquence du fardeau de ses emplois logico-grammaticaux et une fois connectée à l’idée d’une fonction d’opérateur de composition (un renvoi aux Notes pseudo-harrisiennes est à ce propos approprié). Ce travail préalable est nécessaire mais il n’est pas suffisant, car le danger d’une considération positive et non différentielle reste. Il faut donc passer à une évaluation relationnelle et oppositive (en s’inspirant de Roman Jakobson): à une idée de prédicativité comme négation de sa valeur négative et non-marquée. Et dans cette opposition, le terme non-marqué ne coïncide pas avec la fonction corrélée d’argument, qui est elle aussi l’un des deux termes d’une opposition comparable.
Cela fait, catégories et catégorisation sont finalement subordonnées aux notions relationnelles et on passe ainsi d’une question traditionnelle (« quelles sont les catégories linguistiques qui ont vocation à être prédicatives ? » : à vrai dire, toutes et aucune) à la tentative de comprendre et de classer les formes par lesquelles se manifestent les rapports et les différences entre les valeurs fonctionnellement diverses de predicativité.

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